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Le Mont Takao : une journée de randonnée

Le mont Takao

高尾山

4 Mars 2017

Takao-san

Autour de moi, des dizaines de japonais se préparent. Chaussures de marche, leurs sacs à dos vissés sur le dos, les parents s'assurent que leurs enfants ont bien mis leurs chapeaux, des couples prennent des selfies, et tous s'attroupent autour de l'immense plan indiquant les différents chemins à prendre pour se rendre au sommet du Mont Takao. Chaussures de tous les jours, jean, épais manteau noir, mon petit sac en bandoulière sur une épaule, je fais tache, c'est clair. De toute façons je dois être le seul gaijin des environs aujourd'hui, ça n'est pas comme si j'allais passer inaperçu. Après avoir, moi aussi, jeté un coup d’œil au plan, bien décidé depuis le début à prendre l'itinéraire numéro 6 pour éviter la foule et me retrouver un peu plus dans la nature, je me lance. Bien difficile, pourtant, de se retrouver au calme. Une des montagnes les plus proches de Tokyo, facilement accessible en train ; des wagons de citadins débarquent tous les week-ends, bien décidés à sortir leur équipement de marche l'espace d'une journée. J'arrive devant un grand bâtiment, un téléphérique. Des pompiers font une démonstration et distribuent des tracts. Je ne comprends pas tout, pas grand chose en réalité. Un des pompiers me remet un petit paquet de mouchoirs et un bonbon. Vraiment étrange. Bien des semaines plus tard, je retrouverai ce petit bonbon au fond de mon sac, et je comprendrai...

Quand je commence à véritablement m'engager sur l'itinéraire numéro 6, l'ambiance change. Le chemin est étroit et s'enfonce dans la forêt. Le calme, la nature... ça fait du bien. Ici aucune familles, je croise quelques voyageurs solitaires. C'est la première fois que je me retrouve en forêt au Japon, et j'aime cette sensation. J'ai beau aimer Tokyo, voir autre chose que des buildings me permet de me ressourcer durant le week-end. Deux japonaises sont entrain de ranger des caisses de fruits. Je ne m'attendais pas à trouver un marchand de fruits et légumes ici. La boutique est toute petite et mes yeux s'attardent sur quelques petits agrumes oranges que je ne connais pas. En deux mois mon japonnais a progressé bien plus que je ne l'aurais cru possible. Je demande à une des vendeuse de quoi il s'agit. Elle s'étonne de m'entendre parler japonais, réaction à laquelle je commence à m'habituer. J'oublie le nom du fruit aussitôt qu'elle l'a prononcé, mais elle se presse de m'en offrir un pour m'y faire gouter. Une sorte de mini orange, ou de kumkuat rond, je m'assure qu'il ne faut pas peler le fruit avant de le mettre dans ma bouche. Acide mais sucré, un agrume assez doux. Ça me plait, ça n'est pas cher, et vu le prix des fruits au Japon je me dis que c'est l'occasion de faire le plein de vitamines. J'en prends un petit sac et je me mets à marcher pour de bon.

Le chemin longe une petite rivière. je croise parfois un temple au bord de l'eau, d'autres fois je me retrouve au milieu de la rivière, à devoir avancer à contre courant en faisant de grandes enjambées pour passer d'un rocher à l'autre. Aucun risque de se perdre, le chemin est propre, si bien entretenu que je pourrais avoir parfois l'impression de marcher dans un immense parc. Mais parfois la nature reprend le dessus et les arbres viennent envahir le sol de leurs racines tentaculaires. Je commence à avoir chaud. Je n'aurais peut-être pas dû prendre ce grand manteau...

Au bout d'une heure de marche à peine, me voilà arrivé au sommet du Mont Takao. Du monde partout, à nouveau. Midi passé. Les familles sortent leurs pique-nique et profitent de la vue en mangeant leurs bentos. Tokyo est visible, lointaine étendue urbaine qui se perd dans l'horizon. Tout autour, des montagnes. L'horizon est dégagé, une bouffée d'air frais pour le Tokyoïte que je suis devenu. Le Mont-Fuji est visible depuis l'un des points de vue de la plateforme, aujourd'hui il se cache dans les nuages mais je peux deviner son sommet blanc de neige. Le Mont-Fuji m'impressionne toujours autant. J'ai hâte de pouvoir m'en approcher, un jour.

Kobotoke Shiroyama

La vue est agréable, l'ambiance aussi. Des familles, une école en sortie de classe, j'aime entendre parler japonais tout autour de moi. Tout en mangeant mes onigiris, je sais que je reste en marge de tout ça. Je ne partage pas leur vie, je la découvre. Et c'est la position qui me correspond le mieux pour l'instant.

J'avais prévu de redescendre par le chemin le plus emprunté, histoire de voir à quoi ça ressemble, mais il est bien trop tôt. A force de tourner, je déchiffre un petit panneau indiquant le chemin vers d'autres montagnes. Le mont Kobotoke Shiroyama est indiqué à une heure de marche, juste ce qu'il me faut. Je m'assure que je ne fais pas erreur auprès d'un japonais qui passe par là. Il prend le temps de bien regarder le panneau avec moi, et je me remets en route. Cette fois les promeneurs sont rares et les chemins un peu plus rudes. Ça monte, ça descend... C'est le début des escaliers. Toujours des escaliers. Idéal pour vous tuer les jambes. Mais les japonais en mettent partout. Parfois je croise une ou deux personnes en marche vers le mont Takao, on échange une salutation.

La marche est plus fatigante que l'ascension du mont Takao, mais j'essaie de me dépêcher, je sais que je devrai faire le même chemin pour rentrer et il me faut à tout prix éviter la nuit qui tombe encore si tôt.

La statue d'un tengu m'accueille au sommet. La vue depuis Kobotoke Shiroyama est plus agréable encore. Ou bien est-ce ce calme sui règne ici. Une personne est allongée dans l'herbe, le temps d'une sieste, profitant de la chaleur de quelques rayons de soleil. Je m'assois moi aussi, un peu d'eau pour me rafraichir, la nature autour de moi, je suis heureux de me trouver là, sur une partie du Japon qui ne figure pas dans mon guide touristique.

Je commence à penser au retour. Je ne vois personne venir par ici, il ne reste plus grand monde et les gens s'en vont ; je sais que je suis loin de la gare. Je me sens un peu oppressé par le temps, comme toujours, mais je n'ai pas envie de rentrer, de simplement faire marche arrière et de repasser par le chemin que j'ai pris.

Marche en solitaire

Je m'approche du plan. Tant de chemins, tant de randonnées, je découvre l'existence d'un immense lac, j'ai envie d'aller découvrir ce qui se cache dans ces montagnes. Mais je sais que je n'ai pas le temps, bien sûr... Sauf que... Qu'est-ce que c'est ? Une autre gare ? Le chemin ne semble pas trop long... Mais la carte n'indique pas vraiment les durées. Tout est en japonnais, je ne suis pas sûr de bien comprendre, et à l'heure qu'il est je ne peux pas me permettre d'aller me perdre dans la forêt et de voir la nuit tomber loin de toute habitation...

Par chance une japonaise observe elle aussi le plan. Elle semble avoir un certain âge et doit connaître le coin. Je me risque une fois de plus à quelques questions en japonais. Cette gare me permettrait bien de rejoindre Tokyo et ça ne semble pas si long pour y aller. Deux copines viennent la rejoindre, intriguées de la voir parler avec un étranger. Une équipe toute entière de japonaises qui tentent de me trouver l'itinéraire idéal. Et passer par le lac, ça semble possible ? Hmm... Ahh... Etto... Elles parlent trop vite pour moi, mais en prenant le temps on arrive à se comprendre. Et je repars après avoir fait avoir fait de multiples courbettes pour les remercier.

Le chemin s'enfonce dans la forêt. Je suis vraiment seul cette fois. Je repense à tout ce monde en début de journée, j'ai du mal à croire que j'ai pu me retrouver aussi isolé en si peu de temps. Je croise de temps à autre un petit temple ou une petite statue. Les gens y laissent parfois quelques pièces, et les statues sont systématiquement habillées. Des bonnets et bavoirs rouges. On en trouve partout, à Tokyo aussi. D'après mes lectures, ce sont les parents d'enfants décédés qui viennent les habiller. Depuis que j'ai lu ça ces statues ont pris un sens nouveau, l'impression de me confronter au deuil de ces parents à chaque fois que j'aperçois une tache rouge dans la nature.

Le chemin se rétrécit, je marche au milieux des cailloux, les arbres sont hauts. Des bruits. Je m'approche. Des singes. Une famille de singes, ils sont peut-être une dizaine. J'arrive à m'approcher relativement près, mais ils me voient et se mettent à fuir, me coupant la route. M'étant arrêté un moment pour observer les singes, j'entends des voix derrière moi. Un groupe de trois personnes. les premières que j'aperçois depuis un peu plus d'une heure de marche. J'aime la solitude, mais il est rassurant de retrouver une présence humaine dans ces bois.

Il ne me restait que quelques minutes de marche pour sortir de la forêt. J'arrive dans un village, je ne comprends pas où je suis, l'impression de m'être trompé quelque part, ce n'était pas l'itinéraire que j'avais prévu. J'entends les gens derrière moi discuter avec un villageois vivant à la sortie du bois. Ils parlent des singes. Je fais demi tour et m'adresse à mon tour à au résident de cette maison. Je ne sais toujours pas où je me trouve, mais il m'a gentiment indiqué comment me rendre à la gare que je cherche. Alors que je prends la direction de la route, j'entends des coups de canon, à blanc, pour éloigner les singes des cultures.

Marcher au bord de la route n'est pas aussi agréable que marcher dans les bois, mais j'aime découvrir cette partie du Japon que je ne connais pas encore. Les routes sont étonnamment propres, comme toujours. Mes jambes commencent à me faire comprendre qu'elles ont assez marché pour aujourd'hui. Une demi heure de marche sur la route, j'arrive dans une petite ville et il ne me faut pas très longtemps pour trouver la gare. C'était bien. J'attends le train sur un petit banc, encore éclairé par les derniers rayons de soleil. Je devrais aller marcher plus souvent.

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