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Kofu : Séjour aux pieds du Mont Fuji

Kofu : Séjour aux pieds du Mont Fuji

富士山の周り

26 - 28 Mars 2017

Arrivée à Kofu

26 mars 2017

Depuis que je suis parti de Shinjuku, le paysage qui défile derrière les fenêtre du bus a bien changé. Je ne m'attendais pas à voir de la neige. Au début je pensais me tromper en voyant ces quelques taches blanches un peu lointaines. Les routes serpentent, et grimpent dans les montagnes. Voyager m'a appris à lâcher prise, sur tout. Je ne sais pas vraiment où je vais, et ça ne m'inquiète pas. On doit venir me chercher à la gare, des japonais que je n'ai jamais vu et qui ne parlent pas un mot d'anglais. La famille d'un ami rencontré en France. J'ai juste échangé quelques mails avec sa mère, qui a tout fait pour me mettre à l'aise, avec une gentillesse désarmante. Ils m'attendent avec impatience, on n'a même pas discuté du nombre de nuits que je passerai chez eux.

Quand le bus arrive à Kofu, je commence à me demander comment je vais pouvoir les reconnaître. Mauvaise question. Ce sont eux qui me reconnaissent. Bien entendu. Il n'est jamais très difficile de retrouver un étranger au Japon.

Je me retrouve en voiture, avec la mère et la fille, elles ne s'attendaient pas à ce que je puisse discuter en japonais. Je suis si content de pouvoir me faire comprendre et de comprendre ce qu'on me dit. C'est la raison qui m'avait poussé à ouvrir, un jour, un livre de japonais, et à me plonger dans l'étude de cette langue. Quel bonheur de pouvoir discuter de leur vie ici, de ma vie en France, et de tenter de s'aventurer sur des terrains plus complexes. La fille évoque Freud, je réponds Jung, elle préfère Jung. Moi aussi. Un jour je pourrai pousser la conversation plus loin.

A la maison, le père de famille nous attend. Une amie aussi. Des gâteaux sont disposés sur la table, on m'apporte du café. Je bois timidement quelques gorgées ; je ne bois jamais de café. On parle du fils, resté en France, on évoque mon séjour. On me presse de choisir un gâteau. Je ne peux pas rester plus de deux nuits. Ils sont déçus et tentent de me convaincre de rester plus. Je ne peux pas. J'ai toujours peur de déranger, jamais je n'aurais cru à être attendu à ce point.

En voiture à nouveau. Le père de famille est resté à la maison. Par la fenêtre, je découvre Kofu. Des nuages bas se mélangent aux cimes des montagnes qui encerclent la ville. Par moments, quelques gouttes des pluie. C'est vraiment pas de chance pour le temps, me dit-on. Je réponds que j'aime la pluie. Je trouve ça beau. Surprise. Oh, vraiment ? Mais c'est quand même pas de chance pour le Mon-Fuji... Il faut espérer que le temps se dégage demain.

On s'arrête dans une boutique de thé. Derrière une vitre, une machine broie des feuilles pour en faire une poudre verte aussi fine que de la poussière. Je découvre la fabrication du matcha. On me fait assoir sur un banc en plein milieux de la boutique. Rapidement rejoint par ma famille provisoire, on m'offre thé, glace et chocolat, tout au matcha bien entendu. Succulent.

A peine remonté en voiture, un nouvel arrêt. Un petit restaurant de sushis. On me dit de rester dans la voiture. Peut-être vont-ils réserver pour ce soir. Ah... non. On me fait signe de descendre. Le restaurant est désert, on s'installe, et un plateau de sushis arrive. Pourquoi mange-t-on autant en pleine après-midi ? Après tout, les autres mangent aussi, et je ne peux pas dire non à quelques sushis.

La végétation semble au cœur de Kofu et de la préfecture de Yamanashi. Je vois partout de grands champs d'arbres, curieusement retenus par d'immenses cordes. On m'explique que ce sont des pêchers. Beaucoup de vignes aussi. Les deux spécialités du coin. On passe un moment à marcher dans un parc botanique. Ce sera mieux dans quelques semaines, quand les rayons du soleil auront fait éclore des fleurs aux milles senteurs.

Pour la première fois je ne me contente pas d'observer comment se déroulent les choses lorsqu'on arrive devant un petit temple. La mère me met une pièce dans la main et m'explique la marche à suivre. Je me plie au jeu. Claquements de main, courbettes, et une prière. Je reste fasciné par la légèreté de la religion au Japon. Partout, les gens y croient et vont au temple pour prier. Mais qu'on est loin de la gravité des religions occidentales. Tout me semble d'une simplicité désarmante, à l'instar de ces présages qu'on laisse accrochés dans un arbre lorsqu'ils ne sont pas favorables, pour que le vent balaie le mauvais sort. Qu'il est reposant de se trouver si loin des débats stériles qui animent nos sociétés.

Bientôt, nous nous retrouvons tous assis au restaurant, pour manger des okonomiyakis. Depuis que je suis arrivé au Japon, j'ai toujours voyagé seul, et uniquement seul. Je ne connaissais personne. Et puis, j'aime la solitude. Voyager en solitaire offre une liberté de mouvement unique qu'il me serait difficile de négocier. Mais aujourd'hui je ne suis pas seul, et il n'est pas désagréable de découvrir des activités qui se partagent à plusieurs. On nous sert les ingrédients de nos okonomiyakis dans des petits bols, et c'est à chacun de mélanger le tout et de faire cuire sa galette sur la plaque chauffante qui fait office de table. L'ambiance est chaleureuse, l'activité est conviviale. Le monjayaki que l'on nous sert ensuite s'avère plus convivial encore. Sorte d'okonomiyaki extrêmement liquide, il faut écraser de petits bouts sur la plaque chauffante pour les faire coller à la petite palette qui nous sert de couvert.

J'ai beau insister, je n'ai rien pu payer de la journée. C'est inhabituel pour moi, je me sens gêné, mais il faut parfois apprendre à recevoir et à se montrer simplement reconnaissant. Une leçon qui n'est pas encore terminée. On m'amène dans un onsen.

Je suis soulagé d'avoir dépassé mes appréhensions et d'être entré une première fois dans un onsen quelques jours plus tôt, lors de mon voyage à Kyoto. S'il n'avait finalement pas été si compliqué d'assumer ma nudité face à de parfaits inconnus, cette fois je suis accompagné par un ami de la famille. Il n'en est certes pas moins un inconnu pour moi, mais la barrière psychologique aurait été d'autant plus forte si je n'avais pas franchis le pas une première fois auparavant.

Les bassins, aux eaux de plus en plus chaudes, se trouvent en hauteur. La vue est imprenable. Les lumières de la ville éclairent la nuit noire, je distingue tout juste la silhouette de la chaîne de montagne qui nous entoure. Il bruine. L'air est frais, l'eau est chaude, un moment de détente propice à de longues discussions, bien que quelque peu limitées par mon japonais.

C'est un véritable petit appartement qui est mis à ma disposition. Petit bâtiment indépendant de la maison familiale, j'ai une chambre, une salle de bain et une cuisine. La porte se referme, et je me retrouve seul. Je vais pouvoir recharger mes batteries après une journée chargée en interactions sociales. La table de la salle à manger est couverte de biscuits et de bonbons en tout genre. Le frigo est plein. On m'a préparé une assiette de salade pour mon petit déjeuner, mais aussi un sandwich et des pâtisseries. Je ne suis pas sûr de bien comprendre. Suis-je sensé manger tout ça demain matin ? Bien sûr que non... Pourtant la date sur les emballages est on ne peut plus claire, tous ces plats sont faits pour être consommés dans la journée.

Le lit est grand, le matelas ferme sans être dur, les draps sont frais et les couvertures ne sont pas de trop. Quelle différence avec ma chambre à Tokyo... Mes yeux se ferment tout seuls.

Le Mont-Fuji et la région des cinq lacs

27 mars 2017

Je suis assis dans le bureau de poste du quartier. Je ne comprends pas bien ce que je fais là. Je suis seul avec la mère. La fille travaille, le père aussi. Elle m'a amené là, m'a dit de m'assoir, et elle discute avec le personnel. L'impression d'avoir fait un bond de 15 ans en arrière. Je suis un petit garçon qui accompagne sagement sa maman qui fait des choses d'adultes. Elle me rejoint, s'assoit à côté de moi, voilà, c'est le bureau de poste, qu'elle me dit.

Après avoir visité un temple, s'être approché d'un immense musée du fruit, et avoir mangé une assiette de soba, il est temps de passer aux choses sérieuses. Si je suis venu à Kofu, c'est pour pouvoir m'approcher du Mont-Fuji, avec l'espoir de me rendre autour de quelques-uns des lacs qui l'entourent. La région des cinq lacs. Une amie de la famille vient nous chercher en monospace avec ses trois enfants.

D'abord timides, les enfants restent très silencieux. Mais m'entendre parler japonais les amuse beaucoup, et très vite ils se mettent à répéter mes phrases et répondent à mes questions avec plaisir. Je tente de me rappeler le nom des galettes de riz que j'aimais manger lors de mon passage à Kyoto, cela tourne au quizz. Tout le monde s'y met, les enfants, les adultes, je réponds tant bien que mal aux questions qu'on me pose, l'aînée, 12 ans, cherche sur son téléphone portable à partir des maigres informations que je parviens à fournir. C'est elle qui finira par trouver.

Premier arrêt. Il fait froid et il y a de la neige sur le parking. On entre dans une petite boutique pour y commander des glaces à la lavande.

Depuis la voiture, nous passons au bord d'un premier lac. Des nuages stagnent dans les hauteurs de Fuji-san, le dérobant à nos yeux. Peut-être finiront-ils par partir avant la fin de la journée. Il s'agit de ma seule occasion de le voir d'aussi près au cours de ce voyage. La base du mont est déjà impressionnante, mais, incapable de voir sa forme dans son ensemble, je ne suis pas impressionné comme je l'ai été à chaque fois que j'ai pu apercevoir sa silhouette.

La voiture s'arrête à Oshina Hakkai. La mère sort de la voiture avec moi et me fait faire le tour en cinq minutes. Des carpes koï nagent dans de petits étangs à l'eau d'une rare pureté. Un moulin, des bâtiments recouverts de neige, le lieux est magnifique, et bondé de touristes. Je suis un peu jaloux de ces touristes qui peuvent prendre le temps de prendre des photos et d'apprécier l'air pur de la montagne. J'ai vu, c'est bon, il faut que j'y aille, on me presse de remonter en voiture.

Les nuages au sommet du Mont-Fuji commencent à se disperser, peut-être, avant la tombée de la nuit...

C'est à ce rythme effréné que nous visitons les cinq lacs de la région. On me laisse parfois descendre un instant de la voiture, afin que je puisse prendre une photo en quatrième vitesse. Évidemment, faire le tour des cinq lacs en une après midi ne permet pas de prendre beaucoup de liberté. Mais je suis bien entouré, et l'ambiance dans la voiture est toujours aussi agréable. On s'arrête dans un petit konbini pour acheter des boissons, une fois de plus on ne me laisse pas sortir mon porte monnaie.

Et voilà qu'au détour d'une route, nous faisons face au Mont-Fuji qui s'est enfin débarrassé de son manteau de nuages pour nous laisser admirer sa robe de neige. La vue est dégagée depuis la route et les voitures foncent droit vers ce gigantesque symbole du Japon. Les battements de mon cœur s'accélèrent, on me dit que j'ai de la chance, personne ne croyait vraiment que les nuages se lèveraient. Oui, j'ai beaucoup de chance d'être là en ce moment, et mes yeux ne veulent pas quitter le Mont-Fuji.

Les gens qui vivent là peuvent-ils un jour finir par se lasser du spectacle grandiose qui s'offre à eux au quotidien ? Je peux difficilement le croire.

Un peu plus tard, un peu plus loin, on s'arrête au bord de la route. Il ne reste plus qu'un petit nuages à tourner autour de la cime du volcan, projetant son ombre sur l'immense étendue de neige blanche qui prennent les couleurs rosées d'un soleil qui ne tardera pas à se coucher. Ça y est. J'y suis.

Le journée se terminera au restaurant, à découvrir une des spécialités de Yamanashi, le Hoto. Sorte de soupe à base de légumes agrémentée de nouilles épaisses. Tellement de légumes, je n'en ai jamais vu autant dans un plat japonais. Les enfants ne tiennent pas en place, les deux plus jeunes se disputent gentiment, la grande sœur répète inlassablement "urusaï !" pour les faire taire, j'aurai eu l'impression de faire partie d'une famille japonaise toute la journée.

Mais on me fait monter dans une autre voiture, avec un homme que je n'ai encore jamais vu. On m'amène à nouveau dans un onsen. La voiture monte dans les montagnes environnant Kofu. Je discute tranquillement de mon apprentissage du japonais et de ce que je compte faire au Japon. Mais les chemins se font plus étroits, petit à petit nous nous retrouvons au milieux de nulle part, et le GPS nous fait tourner en rond. Perdus. Je me laisse mener dans des chemins sombres à la recherche de ce fameux onsen. Je ne peux pas faire grand chose, jusqu'à ce que je reconnaisse une route par laquelle je suis passé ce matin. Ça me revient. On était passé devant un onsen. Je n'avais pas compris, à ce moment là, qu'elle m'expliquait que je m'y rendrai le soir même.

Situation des plus improbables, me voilà entrain de guider cet habitant de Kofu aux alentours de sa propre ville, dans une langue dont je ne maîtrise que quelques rudiments. J'arrive à lui indiquer le bon embranchement et nous pouvons poursuivre notre conversation dans la chaleur des eaux thermales, tout en admirant les lumières de la ville en contrebas.

De retour à la maison, je ne suis pas au bout de mes surprises. Toute la famille m'attend dans le salon. La télé est allumée, on m'invite à glisser mes jambes sous une table basse chauffante. La mère s'en va chercher un sac et me voilà à recevoir divers cadeaux. Porte feuille en peau de daim, timbres décorés, des photos de la journée qu'ils sont allés faire tirer... Je n'en reviens pas. Je me sens si redevable depuis le début, et c'est encore eux qui me font des cadeaux. On me demande un service, prendre un petit paquet à ramener à son fils resté en France. J'accepte ma mission, plus que ravi de pouvoir faire quelque chose pour cette famille qui a tant fait pour moi.

Retour à Tokyo

28 mars 2017

Nous prenons le petit déjeuner en famille ce matin là. Salade, saumon grillé, soupe de miso aux coquillages, omelette aux champignons, et l'éternel bol de riz. A la télé, des images des premiers cerisiers en fleur. J'espère avoir une chance de me promener sous les fleurs de cerisiers à Tokyo avant de rentrer en France. Le petit déjeuner est si copieux que j'ai l'impression d'avoir mangé pour la journée. Mais c'était sans compter la glace que nous prendrons sur une aire d'autoroute, ni le repas de midi, à l'aéroport, en attendant une française qu'ils sont venus accueillir.

Le temps de jouer l'interprète avec cette nouvelle venue, et me voilà dans le train en direction de Tokyo. Je retrouve la liberté de mouvement du voyageur solitaire pour les quelques jours qu'il me reste à passer au Japon. Pendant quelques jours j'aurai fait partie d'une famille japonaise, dont je n'oublierai jamais la gentillesse et la générosité.

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