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Nikko, excursion dans les montagnes japonaises

Nikko

日光

4 février 2017

Nikko

Les ramen sont brulants. J'observe le petit morceau de beurre flottant dans le bouillon, entrain de se répandre dans mon bol en minces filets. Une montagne de maïs, quelques pousses de soja, une tranche de porc, un œuf coupé en deux, et cette odeur succulente, comme une sensation de réconfort m'envahit. La soupe est riche. Je suis à Nikko, dehors il fait froid.

Comme d'habitude, je n'ai rien préparé. Pas même un plan, à peine une vague idée de ce que je peux trouver dans cette ville. Je marche dans les rues, larges, entourées par les montagne et parsemées de quelques tas de neige. Comme à chaque fois lorsque je m'éloigne de Tokyo, cette sensation d'espace. Ça fait du bien de ne plus voir des buildings immense de tous les côtés, et de retrouver enfin l'horizon. Un horizon chargé en cimes enneigées pour aujourd'hui. Quel bonheur, voir de la neige...

Dans la rue, des boulettes de riz sont entrain de griller devant un petit tas de braises. Je ne croise personne. J'ai pourtant bien l'impression de me trouver dans une des rues principales, mais comme trop souvent, je ne sais pas trop où je suis. Nikko est pourtant une destination touristique importante... J'aime errer dans les rues du Japon, me perdre dans des ruelles vides et découvrir à quoi ressemble la vie de ses habitants, mais il est déjà midi passé et je ne peux pas me permettre de perdre trop de temps. Il me faut retrouver les touristes, ils me conduiront forcément aux lieux à ne pas rater.

C'est en sortant de la ville à proprement parler que je retrouve une foule de japonais et d'étrangers, quelque peu éparse - le froid peut-être. Une sorte d'immense parc, ou bien un bout de forêt, rempli de temples colorés plus anciens les uns que les autres. Au coin de chaque temple, une petite boutique permet d'acheter des sortes de porte bonheur à accrocher à son sac ou à glisser dans son porte feuille. Je voudrais en ramener à ma famille, mais je suis incapable de déchiffrer les kanjis. Peut-être, d'ici la fin de mon voyage...

Je commence à avoir les doigts glacés. Il faudrait que je pense à m'acheter des gants. J'arrive devant une tour immense aux nombreuses pagodes. Colorée, toute en hauteur, ancienne, elle vient réveiller de très lointains souvenirs de mon enfance. Pokémon, version argent - ma préférée -, la tour Chétiflor. Un couple vend des verres d'une boisson chaude. Je m'approche. Enfin des mots japonais que j'arrive à comprendre ! De l'amazake. Je sais vaguement de quoi il s'agit, je sais en tout cas où j'ai déjà entendu ce mot. Un épisode de Détective Conan. Je ne suis pas un si grand consommateur de jeux vidéos ni de mangas, mais j'ai soudain l'impression de vivre un instant parfaitement geek, à boire une boisson tirée d'un anime tout en contemplant la tour Chétiflor.

Pour rentrer dans un temple, il faut retirer ses chaussures. Sensation étrange, que de se retrouver en chaussettes, tout habillé, à marcher sur un quelques planches de bois, entouré de neige. Étrange mais pas désagréable. Beaucoup de temples sont fermés pour cause de rénovation. J'ai fini par faire le tour de ce que je pouvais voir, et il me reste finalement pas mal de temps. J'ai pu dégoter une petite carte en anglais, je décide de m'aventurer un peu plus loin.

Ignorant encore que le meilleur de la journée reste à venir, je monte dans un petit bus hors de prix pour prendre un peu plus d'altitude et tenter de rejoindre le lac Chuzenji qui semble bien beau sur mon petit plan.

Lac Chuzenji

Je me dirige immédiatement vers une petite étendue de neige que j'ai pu apercevoir depuis le bus avant d'arriver. La neige est maculée, avalant mes chaussures toutes entières lorsque je m'aventure dans ce terrain vierge. J'aperçois de petites tombes aux formes étranges. Le petit cimetière semble comme perdu, abandonné au bord de la route, sans la moindre indication. Je suis seul. Je trouve ça beau.

Dans la ville, presque personne. Je prends un ascenseur qui me conduit à une sorte d'observatoire donnant sur une immense cascade. La plateforme métallique semble construite à l'économie. Suspendu au milieux du vide, le vertige vient me tordre l'estomac, bien plus que lors de ma visite de la Tour de Tokyo. Encore une fois la même litanie contre la peur me permet d'avancer malgré cette sensation qui me tire vers le bas : Qu'est-ce que je risque ? Dans le pire des cas, rien de plus que la mort. Alors tout va bien. Je prends sur moi, le spectacle est beau. La cascade, en partie gelée, se déverse dans une rivière qui passe sous mes pieds, loin sous mes pieds.

De retour sur la terre ferme, les rayons de soleil commencent à se faire rasants. Il ne me reste plus beaucoup de temps. Je me dirige vers le lac. Un volcan éteint depuis bien longtemps semble veiller, majestueux, sur le lac. Un coup d’œil à ma carte, il s'agit du Mont Nantai. De la neige en guise de plage, quelques morceaux de glace flottent sur l'eau et le soleil qui commence à se rapprocher des montages à l'horizon, la vue est magnifique. Sur les berges du lac un groupe de jeunes japonais traine et s'amuse. Je marche un moment, longeant des dizaines de cygnes-pédalos rangés au milieux de la neige. J'ai l'impression que c'est typiquement japonnais, tous les pédalos que j'ai pu voir jusqu'à présent avaient la forme d'un cygne. Je souris, parce que je me rends compte que dans les mangas aussi, les pédalos ont souvent une forme de cygne. Décidément, c'est bien ma journée geek. Oui, ce doit être très japonnais. Il m'aura fallut partir en montagne pour commencer à faire parler mes maigres connaissances en culture populaire nippone, alors qu'Akihabara n'est qu'à 10 minutes de métro de ma chambre. Amusant paradoxe.

Le soleil se couche lentement, un dernier rayon éclaire le lac, se frayant un chemin entre les montagnes enneigées de l'horizon. Un bateau, posé sur un tas de neige, attend des journées plus clémentes pour naviguer sur le lac, et ramener, peut-être, quelques poissons. Je voudrais tant voir le ciel se charger de milles couleurs et voir des nuages orangés se refléter sur les eaux pures de ce lac, mais le temps presse. Il me faut prendre le dernier train pour Tokyo, si je rate le prochain bus qui me mène à la gare, je suis bon pour dormir dehors.

Je profite du voyage en train pour réviser mes kanjis. Je me rends compte presque chaque jours des progrès que je fais en japonais. Je ne compte plus le nombre d'heures que je passe à faire mes devoirs et à apprendre mes leçons, l'école est stricte, certes. Mais ici, apprendre cette langue m'est utile, je ne peux pas sortir de chez moi sans être entouré de kanjis et sans entendre parler japonais. Je n'ai aucun ami français et j'évite de parler anglais. Pouvoir demander des timbres ou échanger quelques mots avec un commerçant représente déjà pour moi une première victoire, et me donne envie de redoubler d'efforts.

Je finis par fatiguer et mes yeux se perdent dans la nuit qui passe à toute allure derrière les fenêtres du train. Je me sens ressourcé par cette sortie en montagne, prêt à affronter Tokyo et la semaine studieuse qui m'attend.

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